Om det norske mentorprogrammet for radikaliserte innsatte på ENAP-konferansen i Frankrike

10. og 11. september 20109 ble jeg invitert av Den nasjonale fengselsskolen i Frankrike (Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire) for å presentere erfaringene fra mentorprogrammet for radikaliserte innsatte i Norge på en internasjonal konferanse om fengselsregimer på tvert av landegrensene. Herved følger en oppsummering av mitt innlegg med tittel «Norvège : Le programme de mentoring pour détenus radicalisés en Norvège : enseignements de la première évaluation.»

Le programme de mentoring pour détenus radicalisés en Norvège : enseignements de la première évaluation

Le gouvernement norvégien a rendu public un plan d’action contre la radicalisation et l’extrémisme violent en juin 2014. Dans ce cadre, on a demandé aux autorités pénitentiaires d’élaborer un programme de mentoring adressé à des détenus identifiés comme vulnérables à la radicalisation ou au recrutement vers l’extrémisme violent. Après une période de planification s’étalant de l’automne 2014 à l’ensemble de l’année 2015, le programme a débuté début 2016 pour être évalué une première fois fin 2018. Nous présenterons ici les premiers résultats du rapport d’évaluation publié en février 2019. Ce rapport s’appuie sur des documents internes du Directoire norvégien des services pénitentiaires et sur une série d’entretiens conduits avec des participants au programme, leurs mentors, ainsi que les personnels pénitentiaires impliqués dans le travail avec ceux-ci. On a cherché à déterminer comment le programme de mentoring était perçu par ces trois groupes et quel a été son impact sur eux.

Dans un premier temps, cette étude fait l’historique du programme à partir des débats internes dans les groupes de travail chargés de concrétiser les directives formulées par le ministère de la Justice au Directoire norvégien des services pénitentiaires, ainsi qu’à travers la correspondance entre le ministère et le directoire. La documentation permet met en relief les motifs qui ont conditionné la mise en place un tel programme et les différentes modalités envisagées pour sa mise en forme.

On constate plusieurs différences entre le concept initial et sa version finale. Le programme a été initialement conçu comme un projet pilote limité à une prison et à la région d’Oslo. Rapidement, – et tout en conservant sa nature de projet pilote -, il a été élargi à toute la région Sud-Est de la Norvège bordant Oslo. Dans sa version finale, on a délaissé un projet géographiquement limité pour étendre la mesure à l’ensemble du pays, alors que le personnel pénitentiaire n’était pas encore formé, que le recrutement des mentors débutait à peine, que le budget alloué au programme n’avait pas été élargi et que le projet pilote n’avait pas été évalué. Un tel élargissement a sans doute visé à rassurer une opinion publique traumatisée par les attaques commises dans d’autres pays européens ainsi qu’à prévenir toute critique portant sur le manque de maillage sur tout le territoire.

Une seconde différence concerne la nature du programme. Sa formulation initiale telle qu’énoncée dans le plan d’action stipulait qu’il s’adresserait en priorité aux jeunes détenus identifiés comme radicalisés ou susceptibles de l’être et qui couraient le risque d’être recrutés par des réseaux extrémistes. Il avait donc une visée préventive. Cette dernière a été victime des événements internationaux survenus entre 2015 et 2018. Sans disparaitre totalement, elle s’est effacée devant la nécessité de prévenir le risque d’attentat en Norvège, ainsi que celui de traiter les premiers retours de jihadistes de nationalité norvégienne ou autres résidant en Norvège, ce qui s’est ressenti dans le recrutement des participants au programme. Ceux-ci ont plutôt été des détenus mâles, plus âgés, jugés pour faits terroristes ou pour association à un groupe terroriste et issus dans leur majorité de la mouvance islamiste radicale. Initialement ouvert à tous les types de radicalité, le programme n’a en fait accueilli aucune personne provenant de la mouvance extrémiste de gauche et très peu de personnes issues de la mouvance d’extrême droite. Sur le long terme, cette mutation du groupe cible semble davantage avoir été la conséquence de la pression des événements que d’un choix idéologique délibéré.

Une troisième différence notée concerne la forme et le but recherché par le programme de mentoring. Inspiré à la base par des programmes équivalents existant notamment au Danemark et en Grande-Bretagne, les autorités norvégiennes ont cherché une voie innovante entre ces différents modèles. De là a découlé une série de priorités qui entérinent la spécificité du mentoring programme concernant l’idée de volontariat et d’un mentoring « sur mesure » pour les détenus, le recrutement de mentors qualifiés non issus des services pénitentiaires, mais plutôt de la société civile et enfin l’accent mis sur la création d’un lien de confiance entre mentees et mentors en amont du travail de polissage des comportements et idées extrémistes plutôt que sur une stratégie de déradicalisation plus agressive.

Le rapport rend également compte de la manière dont détenus, mentors et personnels pénitentiaires ont vécu le programme. Les trois groupes concordent sur le fait que ce dernier a eu un impact positif, mais pour des raisons très différentes et qui ont autant trait aux conditions de vie au sein des prisons qu’au traitement en soi de la radicalité.