25. desember 2022 bidro jeg til et portrett av NATOs generalsekretær Jens Stoltenberg for radiokanalen RFI (Radio France International).
Jens Stoltenberg, secrétaire général d’une Otan «revenue des morts»
Ancien Premier ministre norvégien, admirateur dans sa jeunesse de Bob Dylan et de Nelson Mandela, Jens Stoltenberg est à la tête d’une Alliance qui a retrouvé une raison d’être à la faveur de la guerre en Ukraine. Partisan d’une aide massive à l’Ukraine, l’ancien Premier ministre norvégien a également piloté le renforcement en hommes et en matériel du flanc oriental de l’Otan.
« Jens Stoltenberg voulait une refonte du concept stratégique de l’Otan », analyse Amélie Zima, spécialiste de l’Otan à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire. Il « estimait qu’on ne pouvait plus fonctionner sur le concept de 2010, le concept de Lisbonne, parce que l’Otan, à ce moment-là, avait un caractère expéditionnaire, comme en Afghanistan ou en Libye. À ses yeux, il était nécessaire d’impulser une réflexion sur la doctrine et c’est vraiment lui qui a présidé à la reconversion de l’Otan du caractère expéditionnaire vers la défense territoriale. »
Un ancien pacifiste à la tête de l’Otan
Face à la menace russe, Jens Stoltenberg a su maintenir l’unité de l’Alliance et convaincre les pays européens de doper leurs budgets militaires. Un rôle paradoxal pour cet ancien pacifiste, qui jetait des pierres sur l’ambassade américaine à Oslo lorsqu’il militait dans les organisations étudiantes de gauche, au cœur des années 1970.
« Il est né en 1959, donc sa jeunesse se passe durant la guerre froide, à une époque où les États-Unis sont avant tout le pays qui se bat au Vietnam », rappelle Louis Clerc, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Turku, en Finlande. « C’étaient des années où les manifestations contre les États-Unis étaient importantes. Mais à partir du moment où il devient ministre de l’Environnement, en 1990, puis ministre des Finances, en 1996, il s’institutionnalise et, à l’image de la social-démocratie européenne, il devient de plus en plus peut-être conservateur et attaché aux institutions européennes, etc. »
Le traumatisme d’Utoya
Dans les années 2000, Jens Stoltenberg devient la figure centrale de la vie politique norvégienne… Une première fois Premier ministre, en 2000, à l’âge de 41 ans. Puis une seconde fois, de 2005 à 1013. Mais un évènement tragique va marquer ce deuxième mandat : le double attentat d’extrême droite qui fait 77 morts le 22 juillet 2011, à Oslo et sur l’île d’Utoya.
« Il a réussi à gérer ça et à souder la nation autour de cet événement dramatique, en prônant notamment le dialogue et l’union », souligne Franck Orban, professeur de sciences politiques au Collège universitaire d’Østfold, en Norvège. « Et on pourrait faire un parallèle entre cet événement dramatique pour la Norvège et la guerre en Europe revenue avec l’invasion de l’Ukraine. Car, dans ce conflit, que fait-il ? Il continue à créer du consensus, et à essayer de faire en sorte que les pays de l’Otan se réunissent sur des positions communes. »
L’invasion de l’Ukraine intervient « à point nommé » pour revitaliser l’Alliance atlantique, qui a beaucoup souffert durant la deuxième partie des années 2010. « Avec le mandat de Donald Trump et les reproches formulés par Emmanuel Macron en 2019, qui accusait l’Otan d’être “en état de mort cérébrale”, ça a quand même été un rôle difficile à jouer au sein de l’Otan. Mais on lui a reconnu une certaine capacité à dépasser les conflits et à créer du consensus. C’est pour cette raison qu’il a été réaffirmé dans son rôle », explique Franck Orban.
Un mandat prolongé
Jens Stoltenberg n’a pas sauvé l’Otan à lui seul, très loin de là : c’est avant tout Vladimir Poutine qui a redonné sa raison d’être à une organisation qu’il souhaitait pourtant affaiblir. En envahissant l’Ukraine, le président russe a conforté tous ceux qui s’alarmaient des volontés expansionnistes de la Russie, et qui réclamaient un renforcement de l’Alliance sur son flanc oriental.
Et malgré son art du compromis, Jens Stoltenberg n’a pas toujours réussi à surmonter les crises qui ont jalonné ses deux mandats à la tête de l’Otan. « Il n’a pas pu éviter le chaos du retrait de l’Afghanistan, observe Amélie Zima, de l’Inserm. Et il n’a rien pu faire non plus face aux agissements de la Turquie, quand elle se mettait à acheter du matériel. Il ne faut pas oublier que le secrétaire général de l’Otan a un rôle d’impulsion et de médiation, mais qu’il est impuissant en cas de crise interne, comme avec la Turquie. »
Aujourd’hui âgé de 63 ans, Jens Stoltenberg devait quitter l’Otan en début d’année, pour prendre la tête de la Banque centrale norvégienne. Mais son mandat a été prolongé d’au moins un an, en raison de la guerre en Ukraine. Les pays membres de l’Otan ont estimé crucial de maintenir à son poste le patron de l’Alliance atlantique, au moment où celle-ci traverse la plus grave crise de son histoire.