Kronikk om Sandberg-saken i Norge og Benalla-saken i Frankrike

Å skrive kronikk er en vanskelig kunstform. Ofte blir man glad når man kommer på trykk i riksdekkende aviser. Andre ganger prøver man forgjeves å bli publisert, til tross for at man prøver gjentatte ganger. Timingen kan være feil. Lengden kan være en ulempe. Spalteplassen kan bli trang. Denne gangen kom undertegnede og Vibeke Knopp Rachline ikke på trykk i franske aviser. Men det ingen grunn til å gi seg! Denne kronikken tar for seg Sandberg-saken i Norge og Benalla-saken i Frankrike og prøver å belyse hvorfor de ble håndtert på forskjellig måte og hvilke implikasjoner de kan få for tilliten til makthaverne.

 

Affaires sensibles

Vibeke Knopp Rachline, journaliste à Paris et Franck Orban, maître de conférences à Oslo

L’Affaire Benalla joue le prolongations et pose toujours la question entre le pouvoir et une certaine propension à en abuser. M. Benalla vient d’ailleurs de défier l’un des piliers de la démocratie francaise, le Senat, soutenu par des membres du gouvernement. L’intégrité du pouvoir politique s’est aussi joué en Norvège cet été lors d’une crise d’Etat. La gestion de celle-ci confirme que la «démocratie scandinave» n’est pas un vain mot et que le modèle français ferait bien de s’en inspirer.

L’affaire Benalla mit vite un terme à la fête en France due à la victoire des Bleus. Le réveil fut brutal et la confiance entre citoyens et dirigeants depuis la victoire d’Emmanuel Macron prit un coup. Le nouvel ordre moral républicain rompant avec un passé honni, a cédé face aux pratiques ancestrales. Or, l’exigence publique de probité engage et concerne l’ensemble du personnel politique. Selon le baron anglais Lord  Acton, « (..) le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. L’administration Macron, confortée par la victoire et un an de pleins pouvoirs, semble prendre ses aises avec l’éthique politique.

L’affaire Benalla est alors un nouveau coup porté au pacte républicain et au soutien à la démocratie. Or, celui-ci n’est jamais définitivement acquis. Comment lutter alors contre les impunités et la montée des populismes? Le  candidat Macron avait à maintes reprises affirmé sa volonté de s’inspirer du modèle scandinave, même si les spécificité culturelles ne sont pas transposables dans un autre contexte. En Norvège on y voit un double ancrage : dans la tradition protestante etla social-démocratie. Selon le sociologue allemand Max Weber, l’éthique exige de prouver à Dieu sa dévotion en menant une vie réglée, méthodique et tournée vers le travail. Les Norvégiens sont très attachésà l’honnêteté et à la probité. L’abus de privilèges est mal vu. Il n’y aura a priori jamais de Benalla dans ce pays.

La social-démocratie a quant à elle bâti l’Etat norvégien moderne d’après-guerre sur les principes d’effort, d’équité et d’égalité. Cela vaut pour le secteur privé, et encore plus pour le secteur public, surtout pour les personnes rémunéréessur les deniers publics. Éthique protestante et éthique social-démocrate convergent en une réprobation massive de la faute morale et de la trahison à l’intérêt public. Le recours à la sanction exemplaire à l’encontre de ceux qui prennent des  libertés avec ces principes est au cœur du consensus scandinave. La «tolérance zéro» est la condition sine qua non que le contrat moral établi entre dirigeants et administrés sera respecté et profitera à l’ensemble de lacommunauté. Tarder à réagir, minimiser ou laisser planer un doute sur la volonté de l’Etat à punir tout impétrant aurait nuit àla confiance des électeurs dans le système politique. Or, la cohesion nationale norvégienne est largement le produit de cette société de haute confiance. Ce qui aurait pu ne rester qu’une «crise d’été» en Norvège est devenue une«crise d’Etat.»

Rien à voir avec l’affaire Benalla. Plutôt une belle histoire d’amour entre le ministre de la pêche, Per Sandberg, et une ex Miss Iran refugiée en Norvège, Bahareh Letnes, de 30 ans sa cadette. Ensemble, ils sont partis en vacances en Iran. Or, le ministre avait omis de prévenir de son déplacement, geste obligatoire quand un ministre se rend dans un pays «à risque» – même pour unvoyage privé. D’autre part, il avait emporté son téléphone portable de fonction. Certes crypté, mais avec des renseignements sensibles. Par ailleurs, M. Sandberg, numéro deux du parti populiste Parti du Progrès s’était ouvertement opposé à la politique d’immigration de son propre parti (au pouvoir avec les conservateurs) en se disant favorable à l’expulsion des demandeurs d’asile (comme Mme Letnes) vers leur pays d’origine. Confronté à un flot de critiques (opinion, médias, parti et gouvernement), M. Sandberg a dû démissionner, aussi bien du gouvernement que de la direction du parti. Fin d’une affaire vite réglée par la Première ministre Erna Solberg. Tout doit être transparent. D’ailleurs, les services secrets norvégiens ont confirmé depuis que le telephone de M. Sandberg a bien été piraté en Iran, et aussi en Chine où il s’était rendu auparavant.

Per Sandberg n’est plus ministre et Alexandre Benalla ne fait plus partie de l’organigramme de l’Elysée. «Leurs» affaires diffèrent dans leur nature tout comme dans leur traitement. Toutes deux sont cependant graves. En France, des suites judiciaires se profilent à l’horizon. En Norvège, les ponts sont coupés entre Sandberg et la politique. La confiance des opinions publiques envers leurs dirigeants a été entamée. Mais la rapidité et la vigueur de la réaction norvégienne laissent un pouvoir plutôt renforcé et son homologue français affaibli. Dans les deux cas, les populistes de tout bord ne vont pas tarder à entirer profit.